Moez Soussi propose une analyse éclairante des défis auxquels fait face la Tunisie, dépeignant un tableau nuancé où s’entrelacent résilience, nécessité de réformes et l’équilibre délicat entre urgences immédiates et aspirations à long terme.
Entre la nécessité de réformes structurelles, la résilience nationale et les défis immédiats, le chercheur universitaire et expert en économie du travail et en développement régional, Moez Soussi, dresse un tableau nuancé. Son analyse souligne la tension entre les impératifs à court terme et les aspirations à plus long terme, mettant en avant la vitalité du capital humain tout en soulignant impérieusement la nécessité de repenser le modèle économique tunisien.
Deux impératifs contradictoires
Évoquant deux impératifs en apparence contradictoires, l’économiste exprime son inquiétude quant à la nécessité pour la Tunisie de jongler entre les demandes pressantes à court terme et la mise en œuvre des réformes structurelles à long terme. Il met en garde contre le risque de négliger les besoins urgents à court terme, notamment dans la gestion des devises nécessaires pour les importations, susceptible d’avoir des répercussions sévères sur des secteurs clés tels que l’énergie et l’alimentation.
Moez Soussi nous souligne également l’importance du capital humain en tant que pilier indéniable de la Tunisie, malgré les migrations massives. Il insiste sur la nécessité de concilier cette résilience avec les réformes indispensables. Abordant la croissance économique, l’économiste déplore le déséquilibre entre les problèmes de coût à court terme, le progrès technique à moyen terme et les aspects institutionnels à long terme.
Il appelle à une réflexion profonde sur la refonte du modèle économique du pays, soulignant que les plans de développement actuels ne sont plus adaptés et que la Tunisie doit opérer un changement fondamental pour retrouver le chemin de la croissance.
Sur un autre plan, Moez Soussi a critiqué la hiérarchisation des priorités, tout en notant que l’attention excessive portée aux réformes institutionnelles a parfois négligé des aspects cruciaux de l’appareil productif. Il souligne dans ce sens que le modèle économique actuel est obsolète depuis des décennies et appelle à une approche plus holistique pour le repenser.
En examinant les indicateurs économiques, Soussi pointe du doigt des problèmes tels que la dépendance excessive aux subventions, les fluctuations des prix internationaux et leurs conséquences sur l’approvisionnement alimentaire. Il appelle à une révision des politiques en matière d’énergie, soulignant que le maintien de subventions élevées entrave non seulement les finances publiques, mais également la transition vers des sources d’énergie durables.
Face à cette situation délicate, le chercheur appelle à une réflexion approfondie sur la direction économique future de la Tunisie, soulignant la nécessité d’une approche équilibrée tenant compte à la fois des urgences immédiates et des réformes à plus long terme pour garantir la croissance et la prospérité durables du pays.
Une productivité en déclin
Sur un autre plan, Moez Soussi constate des taux de croissance négatifs au cours des dernières années, caractérisant un déclin inquiétant de la productivité. Il attribue cette situation à un déséquilibre dans l’attention portée aux aspects institutionnels et qualitatifs à moyen terme, soulignant que la Tunisie semble avoir perdu de vue son appareil productif. Selon lui, cette lacune a conduit le pays dans une impasse de croissance.
A cet égard, Soussi appelle les Tunisiens à assumer la responsabilité de cette situation, soulignant le manque de valorisation du travail et l’absence d’un véritable modèle économique, se contentant de simples plans de développement.
Il suggère une réflexion approfondie sur des questions cruciales telles que le traitement des subventions, les politiques sectorielles et le rôle de l’Etat, insistant sur l’impératif de définir huit piliers essentiels dans le modèle économique du pays.
«Aujourd’hui, tout le monde est conscient du déclin de la productivité au cours des dernières années, caractérisée par des taux de croissance négatifs.
Le volet institutionnel, ainsi que les aspects qualitatifs à moyen terme semblent avoir été négligés, inversant ainsi la tendance… Nous nous engageons à réformer les institutions, les réglementations et la qualité de la gouvernance, mais nous avons quelque peu perdu de vue l’appareil productif. Cette lacune semble avoir conduit la Tunisie dans une impasse de croissance», affirme-t-il, tout en ajoutant qu’il est impensable de persévérer avec un modèle économique désuet depuis des décennies, et que cette constatation ne découle pas uniquement des événements post-2010, mais remonte bien au-delà.